L’amour à la Le Sid « Parfois, les choses que je veux sont juste devant mes yeux, mais je cours toujours après quelque chose. » Comme Coyote, le personnage du célèbre dessin animé de la Warner Bros, dont il a adopté le nom un temps, Le Sid est un obsessionnel qui poursuit des rêves. Et qui a longtemps pas compris qu’il était fait pour faire de la musique.
Grâce à un cousin, en avance sur tout, -dont il avoue être resté fan- Sidney Soulilou -son vrai nom- écoute le meilleur du hip-hop américain tout petit. « Ma mère m’avait offert la première cassette de DMX. J’avais huit ans, ça m’a choqué ! J’ai passé des heures à écouter les textes, les prods », se rappelle-t-il. À la maison, son éducation culturelle se parfait au contact des Etats-Unis, où il passera quelques années, des livres d’éthique de l’art qu’écrit son père, et des musiques africaines – rumba, makossa- qu’écoute sa mère. Il continue d’écouter du bon son, de la funk à la house, fait une école de son, qu’il lâche, mais où il va rencontrer son partner in crime, Jagger Jazz, son binôme, débarqué de La Réunion, qui produit tous ses titres.
« Pendant 5 ans, ça a été une grosse période de recherche musicale. » Une époque qui donne naissance à deux EPs : Brmd -pour Bermude- Avenue et l’EP Pomme d’amour, simplement diffusés sur Soundcloud. (Coyote) Le Sid expérimente, travaille son image. Sur Youtube, l’autre réseau social où on peut voir sa musique, ses clips posent les jalons d’une écriture singulière, des personnages récurrents, une volonté d’emmener le genre plus loin. Et comme c’est une affaire de famille, on y croise les mêmes têtes comme Brice, youtubeur et aspirant rappeur. Le Sid cherche toujours à faire la meilleure musique, sans vraiment se dire qu’il est artiste. Pas besoin : dans le milieu rap, son son fait déjà de lui l’un des rappeurs préférés des rappeurs. Sa recette ? « Pour écrire, j’ai besoin d’être absolument seul et de faire des choses qui sont en rapport ; c’est ma méthode. un peu comme des maths. » Même s’il préfère avertir dans Corps et Coeur qu’il ne fait « pas de la musique de lover », ses titres dessinent souvent une carte du tendre très quotidienne, très crue, en milieu urbain. « Sur le chemin de la gloire, j’ai demandé la route à Siri et c’crétin d’iPhone m’a indiqué la route d’un striptease. », résume-t-il dans Marley, un égotrip où il parle de fumette et de son objectif pour prendre place dans le rap français : le rendre grand, plus intéressant, à nouveau. Un mélange de politesse et d’insolence. Le Sid est un garçon bien élevé, bien sous tous rapports, mais ses desseins et sa vie ne sont pas toujours très sains. Ecouter « Et tout ce qui s’ensuit (acte 4) » suffit à s’en persuader.
L’amour est une autre de ses obsessions, un thème central qu’il aborde en long en large, à tout bout de vers. Un vrai tour de force tant son regard, parfois très dur, est mature sur l’impossibilité des corps et des cœurs à s’unir sans se faire mal. Là où le rap échoue souvent, il réussit à dessiner un univers complexe, peuplé de douces qui sentent bon -Bulgari-à qui il offre le cinéma, des soirées sur son canapé -Salade César-, qu’il trompe -L’art de se faire choper-, qu’il déçoit, qu’;il esquive. Les Western Union pour la famille restée au Cameroun, la dépression… Le Sid propose une introspection décalée et sans concession dans sa vie de vingtenaire, drôle et pleine de spleen en même temps. Son parcours -les voyages très tôt, la culture musicale exigeante et encyclopédique, le cursus scolaire abrégé- peut rappeler celui de Kanye West « un génie » pour le Sid, toutes proportions mégalomaniaques gardées. Le style évoque les grandes heures du Disiz La Peste des débuts, avec des titres en forme de petits scénars rigolards, absurdes portés par les prods chill de Jagger., house ou inspirés du hip-hop californien des années 90. Un poil plus désespérés que ceux du MC du 91 à ses débuts. Kid Cudi est une autre de ses inspirations. « Il m’a sauvé la vie. Ce mec-là m’a aidé à me lever certains jours. J’ai envie que ma musique procure la même force à celles et ceux qui m’écoutent ». Son prochain EP, le troisième, Kokoro, cœur en japonais, -on n’en sort pas-, raconte l’histoire d’un amour d’été. Si Le Sid, 28 ans, continue de digger et de geeker, qu’il soit un artiste à suivre, qui ne baille plus aux corneilles, et bien sur le point de passer à la vitesse supérieure ne fait plus de doutes. Pour l’instant, encore à l’abri de l’injonction de l’industrie du disque qui oblige les artistes à sortir toujours plus de projets, toujours plus vite. Ne le ratez pas en train de poindre, car demain, Le Sid va briller très fort.